Un séminaire de recherche organisé par l'ONPE
La première séance du séminaire de recherche intitulé Adoptions : filiations, parentés, origines, a eu lieu le vendredi 6 décembre, sous la direction de l’Observatoire national de la protection de l’enfance et de France Enfance Protégée (ONPE). Ce cycle de séminaire, ayant pour thématique centrale l’adoption à la fois nationale et internationale, suscite des questionnements autour des modes
d’établissement de la filiation, de la parentalité, sur l’accès aux origines ainsi que sur l’expérience vécue tant par les personnes adoptées que les familles adoptantes. L’approche pluridisciplinaire ainsi que la présentation de travaux canadiens contribuent à l’enrichissement des réflexions.
La première séance intitulée “Regards historiques et enjeux actuels sur l’adoption”, présentée par Madame Caroline Tourant, chargée d’études à l’ONPE et animée par Monsieur Rémi Pialat, responsable de Communautés Professionnelles chez Ideal Connaissance, fait partie d’un cycle de quatre séances. Dans un premier temps, la présentation de Monsieur Jean-Hugues Déchaux, professeur de sociologie à l’Université Lumière Lyon-2 nommée « Le puzzle de la parenté : biologie, intention, technologie, corps » interroge la conceptualisation de la parentalité. La notion de puzzle permet de figurer la pluralité des modèles de parentalité, désormais les parcours familiaux ne sont plus rectilignes et linéaires. La norme de parenté est une norme en mutation, ayant été fortement contestée lors de l’adoption du PACS, de la loi pour le mariage pour tous et plus récemment concernant l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes. Par ailleurs, la recomposition familiale n’est pas toujours prise en compte dans les normes de parenté. Par conséquent les rôles de belle-mère, de beau-père ou de demi-frère et de demi-sœur ne font l’objet d’aucune symbolisation. En somme, la parenté est une institution sociale qui organise les relations entre le parent et l’enfant, c’est un système d’entraide où les règles de parenté évoluent en fonction de la société.
Dans un second temps, Monsieur Yves Denéchère, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers, directeur de l’UMR TEMOS et du Pôle EnJeux, nous apporte des explications sur l’évolution historique de l’adoption nationale et internationale, ainsi que ces dérives illicites à travers sa présentation intitulée « Les chantiers de recherche en histoire de l’adoption ». Au départ, l’adoption est présentée comme une mesure humanitaire, d’assistance au tiers-monde, dans un contexte ne favorisant pas les bonnes pratiques, comme c’était le cas en 1975 avec l’opération Babylift pendant la Guerre du Vietnam. Ces adoptions étaient majoritairement plénières, ce qui fait de l’histoire de l’adoption internationale une histoire de liens rompus. La multiplication des pays d’origine des enfants adoptés soulève des interrogations quant à la compétence de la France en matière de gestion de ces enfants. Cette multiplication des adoptions répond à une demande croissante, puisque l’adoption était considérée comme un moyen facile de fonder une famille. L’adoption est située au cœur d’un réseau entre de multiples protagonistes où la question de l’argent revêt d’une importance primordiale. De ce fait, l’adoption soulève également des interrogations concernant la protection de l’enfance ainsi que sur les droits, que ce soit ceux des enfants adoptés ou des familles de naissance et adoptantes. En droit international, un corpus juridique veille à cette protection, telles que la Convention relative aux droits de l’enfant (1989) et la Convention de La Haye (1993), néanmoins cela ne suffit pas à mettre fin aux pratiques illicites. À ce jour, des collectifs sur l’adoption internationale se multiplient, articulés autour des concepts de post-colonialisme et d’intersectionnalité, permettant ainsi de nouvelles réflexions, notamment sur la question de l’accès aux origines des enfants adoptés.
Cette première séance s’est clôturée par l’intervention de Madame Anne-Marie Piché, professeure à l’École de travail social à l’Université du Québec située à Montréal. Dans sa présentation nommée « Valoriser les origines en adoption : un changement de paradigme nécessaire », Madame Piché examine notre perception de l’adoption et la réorganisation majeure de la prise en charge de l’adoption internationale en lien avec les changements culturels. Comme mentionné précédemment, l’adoption est un espace narratif complexe et se situe au centre de tensions inhérentes. Le discours de l’adoption connaît un changement de paradigme afin de ne plus être un discours de sauvetage et humanitaire. Dorénavant, le discours de l’adoption doit être orienté vers un discours de protection, où la sécurité physique et affective ainsi que la préservation de l’identité des enfants adoptés sont des éléments essentiels. La construction identitaire de ces enfants soulève des enjeux majeurs, elle fait partie de l’expérience de vie des enfants adoptés. Cependant, les témoignages de ces enfants adoptés démontrent que l’accès à l’information demeure assez complexe.
Billet de blog rédigé par Elsa DE MELO, étudiante en M1 PRH – Histoire à l’Université d’Angers